Genre : Nouvelle écologique
Copyright Marjolaine Pauchet
Le pot de fleur
Sur une terrasse gisait un pot de fleur. Vide. Du moins, au début, il l’était.
Après avoir accueilli nombre de jolies plantes, vu fleurir nombre de jolis boutons, il était vide, dans l’attente de servir à nouveau, ouvert aussi bien qu’offert aux quatre vents. Cependant, ce n’est pas là la destinée de ce genre d’ouvrage. Et retourné, faisant voir son fond percé au ciel, un couple de mésange ne trouva rien de mieux que d’y établir son nid.
Voilà une affaire aussi curieuse qu’hasardeuse, car la maison comptait des chats.
Les volatiles, habitués aux dangers de la liberté, ne s’en laissaient pas mener et redoublaient de prudence pour échapper aux prédateurs. De points d’observations en points d’observations, ils se rapprochaient, n’entraient dans leur trou qu’une fois tout à fait rassurés.
C’est ainsi qu’ils firent leur nid, brindille par brindille dans ce pot qui n’avait jamais accueilli que de la terre et des racines. Que voilà une reconversion bien curieuse ! Le pot charmant, sans doute en était enchanté, car il remplissait son office avec dévotion. Jamais oisillons ne furent plus à l’abri.
Les fauves de la maison pouvaient bien approcher, sentir, se pourlécher les babines à l’idée du festin, il était hors de portée. Pourtant, à n’en pas douter, chacun se sentait tigre dans la jungle, tapis à regarder, à guetter le ballet de ces mets à plumes. Que les oiseaux manquent de vigilance une seule fois, qu’ils commettent une seule imprudence, et c’en serait fini. Morts entre les canines d’un chat domestique aux gamelles toujours pleines.
Ces mésanges n’avaient-elles pas péché par excès d’orgueil ? Elles ou leur progéniture n’en paieraient-elles pas le prix ultime ? Car si parents se faisaient croquer, assurément, les oisillons mourraient de faim. Et quand bien-même cela n’arriverait pas, tôt ou tard, car c’est dans l’ordre des choses, le nid, aussi bien que le pot serait abandonné sans regard en arrière, par cette progéniture hasardeuse. Les jeunes oiseaux, frêles et peu assurés de leurs ailes, devraient en faire le baptême sous la prunelle gourmande des fauves prêts à tirer les griffes. Un repas d’oisillons tout frais, lorsqu’on est chat, cela ne se refuse pas !
Mais qu’ils aient eu tort ou non, les volatiles ambitieux se croyaient seuls pour affronter les tigres miniatures. Il n’en était rien. Les autres habitants de la maison prenaient fait et cause pour eux. Toujours, lorsque les chats s’approchaient de trop prêt, lorsque dans les prunelles jaunes, se dessinait l’œil avide du prédateur, le croqueur de mondes, ils intervenaient. Jamais ils ne laissaient le pot de fleur sans surveillance bien longtemps. Que les prédateurs tournent autour ou montent dessus et ils étaient chassés, ramenés en des lieux plus sages et peut-être plus communs. « Laisse les oiseaux tranquilles ! » Est-ce là un impératif qu’entendent des chats ? Il faut croire que l’instinct de prédation de ces bêtes-là est de toutes les luttes. N’ont-ils pas été domestiqués pour cela ? Face à lui, l’instinct parental et l’instinct de tendresse pour ce que la nature peut offrir de poésie, un nid de mésange dans un pot délaissé.
C’est ainsi que contre toute attente, un jour où le soleil avait décidé d’assister à l’insolite spectacle, du vieux pot, fleurirent des oisillons.